Des aliments moins allergènes

Du blé pauvre en gluten

Le blé est l'une des cultures les plus cultivées au monde et constitue une composante majeure de l'alimentation humaine. Le grain de blé contient des protéines de gluten, qui pendant la cuisson vont interagir pour former des chaines élastiques qui vont conférer au pain et aux pâtisseries leur texture. Toutes les protéines de gluten ne déclenchent pas une réaction nocive chez les individus sensibles. Les principaux responsables sont les α-gliadines qui sont associées au développement de la maladie cœliaque qui touche plus de 7% de la population occidentale (1). Leurs systèmes immunitaires réagissent de manière disproportionnée au gluten ce qui endommage la paroi intestinale et peut provoquer de la diarrhée, du vomissement, de la malnutrition, des dommages cérébraux et même des cancers de l’intestin.

 

La technique CRISPR/Cas9, qui permet de modifier des gènes avec une très grande précision, a été utilisée pour supprimer 90 % des gènes codant des gliadines dans le blé (2). Cependant, la disparition totale de la gliadine est difficile à réaliser car plus de 45 gènes codent pour sa production. Ce blé ne contient donc que très peu de gliadines. Comme seulement les gènes codant pour des protéines nocives ont été modifiés, la farine de ce blé permettra de faire gonfler les pâtes comme la farine de blé conventionnelle et permet aux cœliaques de retrouver le goût du blé.

La cacahuète non allergénique

L'allergie à l'arachide (Arachis hypogea) est l'une des allergies alimentaires les plus graves qui peut encore être amplifiée par la torréfaction due aux réactions chimiques qui se produisent au cours du processus (3). L'allergie aux arachides est la cause la plus courante d'anaphylaxie sévère ou fatale liée à l'alimentation et entraîne environ 200 décès par an rien qu'aux États-Unis (4).

 

Une réaction allergique à l’arachide peut être déclenchée par une exposition à des traces (0.1 mg à 50 mg), bien qu’un seuil plus typique pour déclencher une réaction soit environ un noyau d’arachide (5, 6). Il a été démontré que moins de 5% des sujets allergiques induisent une réaction à 1,5 mg de protéine d’arachide, ce qui équivaut à 6 mg d’arachide entière (7). En raison de l'utilisation fréquente d'arachides et de produits à base d'arachides dans les préparations alimentaires, il est très difficile d'éviter l'exposition aux arachides et l'ingestion accidentelle est assez fréquente. Les trois glycoprotéines Arah1, Arah2 et Arah3, appartenant aux familles de protéines de stockage de graines de légumineuses sont considérées comme allergènes importants des arachides (8, 9).

 

L'application de la technologie d'interférence d'ARN (ARNi) a permis la neutralisation de la protéine Arah2, une protéine allergène majeure des arachides (10). Cette première tentative, rapportée à utiliser le génie génétique pour produire des arachides hypoallergéniques, a entraîné une réduction significative de la concentration en Arah2 et une diminution subséquente de l'allergénicité.

L’allergie à la tomate

La tomate (Lycopersicon esculentum) est l’un des légumes les plus consommés dans le monde et une cause assez fréquente d’allergie alimentaire surtout dans les régions méditerranéennes européennes, où les tomates constituent une part importante de l’alimentation. L'allergie à la tomate est généralement observée chez les personnes également allergiques au pollen de bouleau (11). Les protéines allergènes présentes dans les fruits de la tomate comprennent entre autres Lyc e 1 (12), Lyc e 2 (13) et Lyc c 3 (14). Lyc e 1 correspond à la profiline, une protéine omniprésente dans toutes les cellules eucaryotes. Les profilines végétales ont été décrites comme des pan-allergènes présents dans plusieurs sources alimentaires, telles que le céleri, les carottes, le soja, les pommes, les tomates et les noisettes, et dans le pollen de divers genres, tels que les genres bouleau, olive, ambroisie et herbe (15).

 

La stratégie de l'ARNi a permis de réduire les allergènes Lyc e 1.01 et Lyc e 1.02, deux isoformes très similaires de la profiline de tomate. Les essais immunologiques ont montré une réduction d’un facteur 10 de l’accumulation de Lyc e 1 dans les fruits transgéniques (16). Cependant, les plantes transgéniques présentaient un retard de croissance important ainsi qu'une réduction du rendement et certaines lignées transgéniques ne portaient aucun fruit. Il existait une nette corrélation entre le degré de silençage des gènes et la sévérité du phénotype du nain. La profiline est connue pour intervenir dans l’élongation des cellules (17). Ces résultats mettent en évidence les obstacles à l’élimination de certaines protéines allergènes de plantes qui assurent des fonctions essentielles de maintenance cellulaire.

 

Le silençage de Lyc e 3 a réduit l'accumulation de Lyc e 3 à des niveaux inférieurs à la limite de détection (moins de 0,5% de la protéine de type sauvage) (18). Le potentiel allergénique de tomates transgéniques, déficientes en Lyc e 3 a été testé en mesurant la libération d'histamine par des basophiles humains sensibilisés. Ces essais ont révélé une forte diminution (de 10 à 100 fois) de la libération d'histamine des basophiles exposés à des extraits de fruits transgéniques par rapport aux extraits témoins (18). Ces résultats ont par la suite été confirmés par des tests cutanés chez l’homme (19).

 

Contrairement aux plantes dépourvues de Lyc e 1, les plantes dépourvues de Lyc e 3 étaient impossibles à distinguer des plantes de type sauvage. La taille et le nombre de fruits des plantes n'ont pas été modifiés, ce qui montre que l'élimination de la protéine Lyc c 3 n'a aucun effet sur la reproduction de la plante ni sur le rendement en fruits (18).

Références
  1. Mustalahti K, et al. (2010) The prevalence of celiac disease in Europe: results of a centralized, international mass screening project. Ann Med 42(8):587-595.
  2. Sanchez-Leon S, et al. (2018) Low-gluten, nontransgenic wheat engineered with CRISPR/Cas9. Plant Biotechnol J 16(4):902-910.
  3. Cabanillas B, Maleki SJ, Cheng H, & Novak N (2018) Differences in the Uptake of Ara h 3 from Raw and Roasted Peanut by Monocyte-Derived Dendritic Cells. Int Arch Allergy Immunol 177(1):35-39.
  4. Bock SA, Muñoz-Furlong A, & Sampson HA (2001) Fatalities due to anaphylactic reactions to foods. Journal of Allergy and Clinical Immunology 107(1):191-193.
  5. Hourihane JOB, et al. (1997) An evaluation of the sensitivity of subjects with peanut allergy to very low doses of peanut protein: A randomized, double-blind, placebo-controlled food challenge study. Journal of Allergy and Clinical Immunology 100(5):596-600.
  6. Taylor SL, et al. (2010) Threshold dose for peanut: Risk characterization based upon diagnostic oral challenge of a series of 286 peanut-allergic individuals. Food Chem Toxicol 48(3):814-819.
  7. Hourihane JO, et al. (2017) Peanut Allergen Threshold Study (PATS): Novel single-dose oral food challenge study to validate eliciting doses in children with peanut allergy. J Allergy Clin Immunol 139(5):1583-1590.
  8. Burks W, Sampson HA, & Bannon GA (1998) Peanut allergens. 53(8):725-730.
  9. Koppelman SJ, Wensing M, Ertmann M, Knulst AC, & Knol EF (2004) Relevance of Ara h1, Ara h2 and Ara h3 in peanut-allergic patients, as determined by immunoglobulin E Western blotting, basophil-histamine release and intracutaneous testing: Ara h2 is the most important peanut allergen. Clin Exp Allergy 34(4):583-590.
  10.   Dodo HW, Konan KN, Chen FC, Egnin M, & Viquez OM (2008) Alleviating peanut allergy using genetic engineering: the silencing of the immunodominant allergen Ara h 2 leads to its significant reduction and a decrease in peanut allergenicity. 6(2):135-145.
  11.   Foetisch K, et al. (2001) Tomato (Lycopersicon esculentum) allergens in pollen-allergic patients. European Food Research and Technology 213(4):259-266.
  12.   Willerroider M, et al. (2003) Cloning and Molecular and Immunological Characterisation of Two New Food Allergens, Cap a 2 and Lyc e 1, Profilins from Bell Pepper (Capsicum annuum) and Tomato (Lycopersicon esculentum)International Archives of Allergy and Immunology 131(4):245-255.
  13.   Westphal S, et al. (2003) Molecular characterization and allergenic activity of Lyce2 (β-fructofuranosidase), a glycosylated allergen of tomato. 270(6):1327-1337.
  14.   Asero R, et al. (2000) Lipid Transfer Protein: A Pan-Allergen in Plant-Derived Foods That Is Highly Resistant to Pepsin Digestion. International Archives of Allergy and Immunology 122(1):20-32.
  15.   Ferreira F, Hawranek T, Gruber P, Wopfner N, & Mari A (2004) Allergic cross-reactivity: from gene to the clinic. 59(3):243-267.
  16.   Le LQ, et al. (2006) Reduced allergenicity of tomato fruits harvested from Lyc e 1–silenced transgenic tomato plants. Journal of Allergy and Clinical Immunology 118(5):1176-1183.
  17.   Ramachandran S, et al. (2000) Profilin Plays a Role in Cell Elongation, Cell Shape Maintenance, and Flowering in Arabidopsis. 124(4):1637-1647.
  18.   Le LQ, et al. (2006) Design of tomato fruits with reduced allergenicity by dsRNAi-mediated inhibition of ns-LTP (Lyc e 3) expression. 4(2):231-242.
  19.   Lorenz Y, et al. (2006) Skin prick tests reveal stable and heritable reduction of allergenic potency of gene-silenced tomato fruits. Journal of Allergy and Clinical Immunology 118(3):711-718.

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