Les facteurs évalués

Description de la plante hôte

La création d’une plante génétiquement modifiée résulte du transfert d’un gène dans une plante réceptrice dans laquelle le nouveau matériel génétique s’intègre de manière stable dans le génome de la plante. Ce matériel génétique est donc hérité de génération en génération.

 

Une connaissance approfondie de la plante hôte non modifiée est nécessaire pour appliquer le concept d’équivalence substantielle. Cette approche permet de comparer la plante transformée à son comparateur naturel et ainsi identifier des variations des composants nutritionnels essentiels, des substances toxiques connues, des facteurs antinutritionnels et des allergènes potentiels.

Description de l’organisme donneur

La provenance du matériel génétique à transférer doit également être étudié en détail. L’organisme donneur pourrait posséder des caractéristiques de pathogénicité, d’allergénicité, ou d’autres caractères qui pourraient affecter la santé humaine.

Caractérisation moléculaire

La caractérisation moléculaire vise d’un côté à identifier les dangers potentiels liés aux modifications génétiques et d’un autre côté de tracer l’évènement spécifique.

 

Les données concernant les modifications génétiques permettent de vérifier la composition et l’intégrité de l’ADN inséré, le nombre et la localisation des sites d’insertion simples ou multiples et le niveau d’expression de la (des) protéine(s) nouvelle(s) dans le temps et dans les différents tissus et milieux. L’insertion de matériel génétique dans le génome de la plante hôte peut perturber l’expression de gènes endogènes en créant (ou supprimant) de nouveaux cadres ouverts de lecture (ORF - « Open Reading Frame » partie d’une séquence codante pouvant être traduite en protéine) ou perturber des séquences régulatrices.

 

La séquence d'ADN insérée et ses régions encadrantes doivent donc être déterminées avec précision pour prédire des changements phénotypiques potentiels. Les séquences d'acides aminés déduites des cadres ouverts de lecture identifiés seront comparées à des séquences connues d'allergènes et de substances toxiques en utilisant des outils bio-informatiques. En outre, des informations sur l'expression des gènes nouvellement introduits, ainsi que sur la stabilité génétique et phénotypique des nouveaux caractères sont analysées.

 

La connaissance de la séquence génétique de l’ADN inséré et de ses régions encadrantes permet également de développer une méthode de détection spécifique de l’évènement de transformation. Ces méthodes sont proposées par le requérant, puis validées via tests interlaboratoires impliquant 12 laboratoires nationaux de référence choisis au hasard et publiées sur le site du Centre commun de recherche de la Commission européenne (JRC – Joint Research Center). Les autorités de contrôle peuvent ainsi identifier l’évènement spécifique et suivre l’ADN recombiné dans la chaine alimentaire.

Toxicité et évaluation nutritionnelle

Les effets involontaires correspondent à une différence statistiquement significative entre la plante génétiquement modifiée comparée à une plante non modifiée génétiquement et cultivée dans les mêmes conditions.

 

Les changements apportés par l’insertion de matériel génétique supplémentaire pourraient avoir une incidence sur le rendement agronomique potentiel, mais ils ne constituent pas nécessairement des menaces pour la santé humaine ou l'environnement.

 

En général, les caractéristiques qui montrent soit des différences entre la plante GM et le comparateur, soit une absence d'équivalence avec des variétés non génétiquement modifiées en dehors de la plage de variation naturelle, nécessitent un examen plus approfondi. Des évaluations supplémentaires de l'OGM doivent donc être envisagés au cas par cas.

 

Des études de digestibilité in vitro, complétées par des études de toxicité aigüe orale basées sur un modelé animal font partie de l’évaluation de la toxicité.

Allergénicité potentielle des aliments dérivés de plantes à ADN recombiné

Les allergies alimentaires sont des troubles déclenchés par l’ingestion d’un produit ou d’un ingrédient alimentaire qui provoque une réaction anormale du système immunitaire à une ou plusieurs protéines spécifiques présentes dans cet aliment. Il ne faut pas confondre les allergies alimentaires avec les intolérances alimentaires comme par exemple l’intolérance au lactose ou au gluten. Les intolérances alimentaires impliquent que le métabolisme manque d’une enzyme capable de digérer une protéine ou substance spécifique mais ne font pas intervenir le système immunitaire.

 

Les allergies alimentaires les plus courantes sont induites par les anticorps de classe E (IgE) spécifiques d'un allergène. Ces réactions sont dites d'hypersensibilité immédiate car les symptômes apparaissent entre quelques minutes et quelques heures après l'ingestion de l'aliment. L’allergénicité potentielle de produits dérivés de plantes GM doit être pris en considération. Il n’existe pas de méthodes définitives qui permettent de prédire une éventuelle réaction allergique chez l’homme avec une protéine nouvellement exprimée.

 

L'évaluation de l'allergénicité potentielle de toute protéine nouvellement exprimée consiste à déterminer l'origine de la protéine introduite; de comparer sa séquence d'acides aminés avec celles des allergènes connus, d’évaluer sa sensibilité à la dégradation enzymatique et sa stabilité à la chaleur et/ou acide.

Analyses de la composition des aliments

Les éventuels changements dans la composition d’une plante génétiquement modifiée sont évalués à l’aide d’analyses comparatives par rapport à une plante de référence non génétiquement modifiée. La comparaison de la plante génétiquement modifiée avec son équivalent non GM, cultivé dans des conditions très proches, sont essentielles pour établir l’équivalence substantielle.

 

Lorsque des changements significatifs sont décelés, les méthodes analytiques traditionnellement appliquées à l’évaluation des constituants des denrées alimentaires, telles que protéines totales, graisses, cendres, fibres et micronutriments, peuvent être complétées par d’autres analyses pour identifier la nature des changements observés et déterminer si les écarts constatés peuvent avoir un effet néfaste sur la sante.

Protéines nouvellement exprimées

Suite à l’insertion de nouveau matériel génétique, les protéines nouvellement exprimées sont analysées. Une protéine pour laquelle aucune information sur les antécédents de consommation sans danger n’est connue, doit être comparée à celles des substances toxiques connues et des allergènes, en utilisant des analyses in silico, in vitro et in vivo. Dans un premier temps, la séquences d'acides aminés de la protéine est comparée pour détecter des similitudes avec les séquences protéiques de toxines, de protéines pharmacologiquement actives et des allergènes connus (1). Dans ce cadre, l’EFSA a publié en 2017 un guide sur l’analyse de l’allergénicité de plantes génétiquement modifiées (2).

 

Les tests de digestibilité in vitro peuvent fournir des données utiles sur la susceptibilité d'une protéine à la digestion, ce qui peut refléter sa digestibilité dans le tractus gastro-intestinal humain. Aucun test ne permet de prédire complètement le potentiel allergénique d'une protéine. Dans le cas de protéines nouvellement exprimées pour lesquelles pas de données ou seulement des données insuffisantes sont disponibles, et surtout si les données disponibles suggèrent l'existence d'une cause préoccupante, une étude de toxicité chez les rongeurs devra être réalisée.

 

Des changements involontaires peuvent théoriquement survenir suite à l’insertion de matériel génétique qui peut perturber ou altérer l’expression de gènes de la plante hôte.

Etude d’alimentation

Le règlement d'exécution 503/2013 relatif aux demandes d’autorisation de denrées alimentaires et d’aliments pour animaux génétiquement modifiés a été proposé par la Commission européenne et approuvé par les États membres. Ce règlement d’exécution rend obligatoire l’administration orale de l’aliment entier (denrée alimentaire ou aliment pour animaux) à des rongeurs pendant 90 jours, lorsque cela s’avère nécessaire.

 

Conformément au document d’orientation de l’EFSA (3),  l’évaluation de la sécurité de la denrée alimentaire ou de l’aliment pour animaux génétiquement modifiés prévoit des études relatives aux nouveaux composés résultant de la modification génétique, une caractérisation moléculaire de la plante génétiquement modifiée et une analyse comparative de la composition et du phénotype de ladite plante par rapport au produit de référence, l’équivalent non transgénique.

 

Selon les recommandations récentes de l'EFSA, les aliments et les aliments génétiquement modifiés ne doivent être soumis à des tests de toxicité potentielle que si la composition de la plante génétiquement modifiée est substantiellement modifiée ou s'il existe des indices d'effets non intentionnels basés sur les analyses moléculaires, compositionnelles ou phénotypiques précédentes.

Transfert horizontal de gènes

Chez les humains les gènes se transmettent à la descendance via la reproduction sexuée. On parle de transfert vertical des gènes. Le transfert horizontal de gènes est le transfert de matériel génétique directement du génome d'un organisme à celui d'un autre, plutôt qu'entre parent et descendant.

 

Au cours du processus de modification génétique des plantes, des gènes marqueurs sont habituellement utilisés afin de faciliter la sélection et l'identification des cellules génétiquement modifiées contenant le gène d'intérêt parmi la grande majorité des cellules non transformées. Des gènes marqueurs présentant une résistance à des antibiotiques spécifiques sont souvent utilisés à de telles fins.

 

L'évaluation de l'innocuité de ces gènes doit donc tenir compte du potentiel de transfert horizontal de gènes vers des micro-organismes dans le tractus gastro-intestinal des humains et des animaux ou dans le sol et ses conséquences. L’EFSA a publié un avis (4) relatif à l'utilisation des gènes de résistance aux antibiotiques comme gènes marqueurs dans les plantes génétiquement modifiées. Par conséquent, des informations sur les niveaux de résistance bactérienne naturelle ainsi que sur la pertinence clinique et vétérinaire de l'antibiotique sont importantes. Les gènes marqueurs conférant une résistance aux antibiotiques cliniquement importants ne doivent donc pas être présents dans les OGM destinés à la culture et à l'alimentation humaine ou animale.

 

Afin de conclure sur la possibilité d'un transfert de gènes horizontal par recombinaison homologue (HR), le demandeur doit effectuer des recherches de similarité de séquence entre l'insert, y compris les séquences encadrantes et les bases de données de bactéries et de plasmides (5). Toutefois, si les gènes transmis sont fortement favorisés par la sélection naturelle, ils ont des chances d'être intégrés.

 

Cependant, la fréquence de transfert horizontal de gènes des plantes GM aux autres eucaryotes ou procaryotes est extrêmement faible. Dans la plupart des cas, le taux de transfert horizontal provenant de cultures génétiquement modifiées à d'autres organismes devrait être inférieure aux taux de référence. Par conséquent, les HGT provenant de plantes GM présentent des risques négligeables pour la santé humaine ou l'environnement (6). Ainsi plusieurs mauvaises herbes résistantes au glyphosate ont été découvertes (7). Il n’est pas toujours clair si ces mauves herbes ont acquis la résistance suite à une pression de sélection élevée ou par transfert horizontal de gènes.

Evénements GM empilés

Lorsque des événements GM ont été approuvés en vertu du règlement (CE) no 1829/2003 ou de la directive 2001/18/CE, les génotypes produits par croisement conventionnel de plantes contenant ces événements avec des plantes non génétiquement modifiées ne sont pas soumis à une évaluation supplémentaire des risques.

 

Cependant, lorsque des applications impliquent le croisement de plantes pour empiler des événements GM différents (p.ex. combiner plusieurs résistances à des herbicides différents), une évaluation des risques est requise dans l'Union européenne. L'empilement d'événements approuvés peut provenir de croisements intentionnels ainsi que de croisements non intentionnels. L'évaluation des risques pour les nouveaux événements est nécessaire pour prendre en compte "l'environnement récepteur potentiel" (Directive 2001/18/CE, Annexe II, partie C.1.) qui inclurait d'autres événements de cultures GM incorporés dans des espèces sexuellement compatibles.

 

Lorsque des événements sont combinés dans une plante, il est possible qu'aucun des événements individuels n'ait été évalué auparavant, qu'un ou plusieurs d'entre eux aient été évalués ou que tous les événements aient fait l'objet d'une évaluation des risques conformément au document d'orientation de l'EFSA. Lors de l'évaluation des risques des événements empilés, toutes les exigences du document d'orientation de l'EFSA doivent être prises en compte pour chaque événement individuel qui n'a pas encore été évalué. Pour compléter une évaluation des risques d'événements empilés, toutes les informations sur les risques potentiels des événements déjà évalués doivent être mises à disposition. L’EFSA avait déjà publié un document concernant l’analyse des risques des évènements empilés en 2007 (8).

 

Cela représente une évaluation de la sécurité similaire à celle requise pour les événements uniques, en se concentrant particulièrement sur les effets synergiques ou antagonistes potentiels des événements de transformation combinés.

Gènes de résistance aux antibiotiques

Des gènes de résistance aux antibiotiques ont été utilisés dans de nombreuses plantes GM pour la sélection des plants transformés. L'évaluation de l'innocuité de ces gènes marqueurs doit tenir compte du potentiel de transfert horizontal de gènes vers des micro-organismes dans le tractus gastro-intestinal des humains et des animaux ou dans le sol et ses conséquences. Par conséquent, des informations sur les niveaux de résistance bactérienne naturelle ainsi que sur la pertinence clinique et vétérinaire de l'antibiotique sont importantes. Les gènes marqueurs conférant une résistance aux antibiotiques cliniquement importants ne doivent pas être présents dans les OGM destinés à la culture et à l'alimentation humaine ou animale.

Références
  1. Negi SS, et al. (2017) Functional classification of protein toxins as a basis for bioinformatic screening. Scientific Reports 7(1):13940.
  2. Naegeli H, et al. (2017) Guidance on allergenicity assessment of genetically modified plants. EFSA Journal 15(6).
  3. Andersson HC, et al. (2011) Guidance for risk assessment of food and feed from GM plants. EFSA Journal 9(5):2150.
  4. Andersson HC, et al. (2004) Opinion of the Scientific Panel on Genetically Modified Organisms on the use of antibiotic resistance genes as marker genes in genetically modified plants. EFSA Journal 2(4):48.
  5. Gennaro A, et al. (2017) Explanatory note on DNA sequence similarity searches in the context of the assessment of horizontal gene transfer from plants to microorganisms. 14(7):1273E.
  6. Keese P (2008) Risks from GMOs due to horizontal gene transfer. Environ Biosafety Res 7(3):123-149.
  7. Heap I & Duke SO (2018) Overview of glyphosate-resistant weeds worldwide. Pest Manag Sci 74(5):1040-1049.
  8. European Food Safety Authority (EFSA) (2007) Guidance Document for the risk assessment of genetically modified plants containing stacked transformation events by the Scientific Panel on Genetically Modified Organisms (GMO). 5(7):512.

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