Une réduction du taux d’aflatoxines détectées
Les aflatoxines sont des mycotoxines produites principalement par les champignons Aspergillus flavus et Aspergillus parasiticus. Les champignons producteurs d'aflatoxines sont particulièrement présents dans les zones à climat chaud et humide. Les aflatoxines s’accumulent dans les aliments à la suite de la contamination fongique avant et après la récolte (1). Le taux et le degré de contamination dépendent de la température, de l'humidité, du sol et des conditions de stockage. Au moins 20 aflatoxines sont connues, mais les aflatoxine B1, B2, G1 et G2 sont les quatre présentes dans les aliments et leur voie de biosynthèse est bien caractérisée au niveau génomique et biochimique. Les aflatoxines sont considérées comme génotoxiques et cancérigènes par l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) et peuvent être dangereuses à des consommations élevées et répétées.
Les aflatoxines ont principalement été détectées sur des aliments importés tels que les arachides, les noix, les fruits secs, les épices, les figues, l'huile végétale brute, les fèves de cacao, le maïs et le riz (2). Par conséquent, la concentration maximale dans les produits alimentaires et les aliments pour animaux est réglementée dans le monde entier et en Europe (3). L’aflatoxine M1 est un métabolite important de l’aflatoxine B1 chez l’homme et l’animal; elle peut être présente dans le lait provenant d’animaux ayant été nourris avec des aliments contaminés par l’aflatoxine B1 (4). 16 millions de tonnes de maïs sont perdues chaque année dans le monde suite à la contamination par des aflatoxines (5, 6).
Des approches biotechnologiques ont permis d’empêcher la formation d’aflatoxines dans le maïs après infection par le champignon Aspergillus flavus. En interférant avec l’expression du gène aflC, un gène-clé dans la synthèse de ces toxines dans les épis de maïs, aucune aflatoxine n'a pas pu être détectée dans ces plantes transgéniques, tandis que plusieurs milliers de microgrammes de toxines par kilogramme de maïs ont été mesurés dans les grains témoins non transgéniques (7).
Des fruits, légumes et céréales résistantes au mildiou
Le mildiou est le nom générique donné à une série de maladies causée par des oomycètes, des microorganismes parfois qualifiés de « pseudo-champignons », affectant de nombreuses espèces de plantes. L’infection par le mildiou peut prendre des proportions épidémiques dans certaines cultures de grande importance économique, telles que la vigne, la tomate et la pomme de terre. Le pseudo-champignon pathogène Phytophthora infestans, responsable de la terrible famine en Irlande au milieu du XIXème siècle, continue d’occasionner de graves pertes de récoltes, en particulier durant les années humides. Dans l’agriculture biologique, il ne peut être combattu que moyennant des préparations inorganiques à base de cuivre qui ne sont pas anodines pour la santé et l’environnement. La limite actuelle régie par le règlement européen (889/2008), est de 6kg/ha/an sur une moyenne de 5 ans (8). Cette réglementation ne s’applique que pour les exploitations certifiées en agriculture biologique.
Le mildiou produit des spores qui peuvent hiberner dans le sol d’une année à l’autre et sont à l’origine des contaminations primaires au début de la saison. La lutte doit être préventive. Pendant toute la croissance des plantes, il faudra réaliser un certain nombre de traitements, en fonction de la vitesse de croissance des plantes, de la fréquence des pluies, de la température et de la pression parasitaire. Dans l'agriculture conventionnelle, le contrôle du mildiou est réalisé par l'application généralisée de divers fongicides. Bien que ces produits chimiques soient relativement efficaces, le coût pour le producteur et l'impact des résidus sur l’environnement et la santé humaine ne restent pas sans conséquences. Des variétés résistantes au mildiou, permettraient une forte diminution des traitements phytosanitaires (9).
Cependant, l'émergence rapide de nouvelles souches fongiques et l'effet dangereux des fongicides sur l'environnement, combinés à des coûts supplémentaires pour les producteurs (pouvant atteindre jusqu'à 20% des coûts de production totaux), exigent le développement de stratégies alternatives durables. Récemment, il a été démontré que l’application de techniques de mutagenèse dirigée vers le gène mlo-7 augmente significativement la résistance au mildiou dans un cultivar de vigne commercialement important tel que le Chardonnay (10). Les gènes mlo de type sauvage codent pour des protéines conservées chez les plantes monocotylédones et les dicotylédones qui confèrent une susceptibilité aux champignons causant le mildiou (11). L’inactivation d’un de ces gènes dans la tomate en utilisant des techniques de mutagenèse dirigée a également conduit à une résistance au mildiou (12).
Le blé (Triticum aestivum L.) est une culture de base majeure dans le monde entier. Il fournit environ 20% de toutes les calories consommées par les humains. Compte tenu de l'importance économique du blé, de nouveaux caractères ont toujours été recherchés pour améliorer son rendement et sa qualité, ainsi que sa capacité d'adaptation aux stress biotiques et abiotiques. Le blé est un allohexaploïde, c’est-à-dire qu’il contient trois copies similaires mais non identiques de la plupart de ses gènes (AABBDD). L’homme par contre est diploïde et ne contient que 2 copies similaires de chaque gène, un venant de la mère, l’autre du père (AABB). Son grand génome, sa haute ploïdie et sa forte teneur en ADN répétitif (80-90%) le rendent exceptionnellement récalcitrant aux analyses génétiques. Les nouvelles techniques de génie génétique pourraient permettre de repousser ces limites et ainsi muter les trois homéoallèles MLO conférant une résistance au mildiou, un caractère qui ne se retrouve pas dans les populations de blé naturelles (13-17). Ce résultat ouvre la voie pour l’utilisation de cette technologie pour modifier, en une étape, de plantes polyploïdes comme notamment la banane.
Chez Arabidopsis, la plante modèle la plus étudiée, l’inactivation du gène dnd1 conduit à une résistance contre plusieurs pathogènes fongiques, bactériens et viraux. En utilisant des techniques de génie génétique, l’expression des gènes orthologues dans la pomme de terre et la tomate a été inhibée. L'inactivation de ces gènes dans les deux cultures a provoqué une résistance à l'oomycète pathogène P. infestans et à deux espèces de mildiou (18, 19).
Diminution du taux de contamination en mycotoxines
Des scientifiques italiens ont publié une méta-étude où ils ont analysé les données provenant d'essais sur le terrain avec le maïs Bt depuis 21 ans (20). Le critère de sélection le plus important afin d’inclure les publications dans cette étude était de savoir si des essais sur champs étaient effectués et si, à titre de comparaison, la lignée de maïs conventionnelle à partir de laquelle la lignée de maïs Bt a été créée était également cultivée.
L'une des principales conclusions de l'étude est que les niveaux de toxines fongiques dans les grains de maïs Bt étaient significativement inférieurs d'environ un tiers à ceux des variétés de référence conventionnelles. Ces mycotoxines, extrêmement nocifs pour les humains et les animaux, sont formées par des moisissures qui affectent les plantes de maïs. Le maïs issu de l'agriculture conventionnelle et biologique sont contaminées par de faibles quantités de mycotoxines. Le maïs Bt présente un taux de contamination en mycotoxines diminué de 28,6%, les fumonisines diminuées de 30,6% et les trichothécènes allant jusqu'à 36,5% de moins comparé aux variétés conventionnelles et/ou biologiques. Cette diminution du taux de contamination en mycotoxines est liée à une présence moindre de ravageurs affaiblissant la résistance de la plante contre l’attaque fongique.
Références
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- Battilani P, et al. (2016) Aflatoxin B1 contamination in maize in Europe increases due to climate change. Sci Rep 6:24328.
- Commission des Communautés Européennes 2006 Règlement (CE) N° 1881/2006 de la Commission du 19 décembre 2006 portant fixation de teneurs maximales pour certains contaminants dans les denrées alimentaires. https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:32006R1881&qid=1539324609912&from=FR
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- Commission des Communautés Européennes 2008 Règlement (CE) N° 889/2008 de la Commission du 5 septembre 2008 portant modalités d'application du règlement (CE) no 834/2007 du Conseil relatif à la production biologique et à l'étiquetage des produits biologiques en ce qui concerne la production biologique, l'étiquetage et les contrôles. https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:32008R0889&qid=1539324956225&from=FR
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