Réforme de la législation sur le génie génétique : des procédures allégées pour les plantes NGT

La mutagenèse ciblée et la cisgénèse diffèrent des techniques génomiques établies par leur précision et rapidité accrues dans l'introduction des modifications génétiques souhaitées et l'insertion de matériel génétique provenant uniquement d'une espèce pouvant être croisée. Alors que les organismes génétiquement modifiées (OGM) classiques comportent des gènes provenant d’organismes qui ne sont pas sexuellement compatibles comme par exemple les bactéries.

Il y a cinq ans, la Cour de justice de l'Union européenne a décidé dans son jugement C-528/16 du 25 juillet 2018 (1) que les plantes issues de l'édition génomique devaient être soumises aux exigences de la législation relative aux OGM (2, 3), même si elles auraient pu être obtenues de façon naturelle. La législation actuelle sur les OGM sera difficile à mettre en œuvre et à faire respecter pour certaines plantes produites par mutagénèse ou cisgénèse ciblées, en particulier celles pour lesquelles il n'existe pas de méthode de détection spécifique.

Par conséquent une réforme de la réglementation communautaire s'est imposée et la Commission européenne a élaborée et présentée une proposition législative le 5 juillet 2023.

La dissémination volontaire et la mise sur le marché de plantes NGT (« New genomic techniques ») et de produits (y compris les denrées alimentaires et les aliments pour animaux) qui en sont dérivés, sont soumises à l'une des deux procédures suivantes:

  • Une procédure de vérification visant à établir l'équivalence avec les plantes/produits conventionnels ou,
  • Une autorisation conformément à la directive 2001/18 pour les produits (3) ou au règlement (CE) n° 1829/2003 pour les denrées alimentaires et les aliments pour animaux (2).

Procédure de vérification

La présente proposition devrait établir une distinction entre deux catégories de plantes NGT.

Plantes NGT de catégorie 1

La proposition de la Commission prévoit une procédure de vérification et des critères permettant de vérifier si les plantes NGT obtenues par mutagénèse ciblée ou cisgénèse auraient également pu être obtenues naturellement ou par des techniques de sélection conventionnelles. Ces plantes NGT de catégorie 1 (NGT1) sont exemptées des exigences de la législation sur les OGM et sont soumises aux dispositions applicables aux plantes conventionnelles. Toutefois, elles restent interdites dans la production biologique. Les conditions imposées à cette catégorie sont donc nettement assouplies. Il n'y aura plus à l'avenir des procédures d'autorisation aussi complexes que pour les OGM classiques, ni d'obligation générale d'étiquetage pour le consommateur final.

Les plantes NGT1 ont été obtenues à l'aide des techniques de mutagénèse ciblée et ne contiennent que du matériel génétique se trouvant dans le pool génétique de l'espèce concernée utilisé pour la sélection. Pour des raisons de sécurité juridique pour les opérateurs et de transparence, une déclaration du statut de la plante NGT1 doit être obtenue avant la dissémination volontaire, y compris la mise sur le marché.

En cas de vérification avant les essais en plein champ, la conformité aux critères est assurée par l'État membre qui reçoit la demande, comme c'est actuellement le cas pour les essais en plein champ soumis à la procédure de notification prévue dans la partie B de la directive 2001/18/CE. Toutefois, dans le cas des plantes NGT, la vérification du respect des critères par l'État membre qui a reçu la demande prendra la forme d'une décision, valable pour l'ensemble de l'Union. Cette décision couvrira la mise sur le marché ultérieure de la plante NGT elle-même, des produits contenant cette plante ou consistant en celle-ci et des denrées alimentaires et aliments pour animaux contenant cette plante, consistant en celle-ci ou produits à partir d'elle.

Dans le cadre de la mise sur le marché de produits sans qu'aucun essai sur le terrain n'a été réalisé dans l'Union, y compris dans le cas de denrées alimentaires ou d'aliments pour animaux importés, la demande de vérification sera soumise à l'EFSA, qui fournira un avis scientifique sur le respect des critères, et la décision sera prise par la Commission européenne.

Toutes les plantes NGT1 reconnues et donc autorisées seront inscrites dans un registre accessible au public. Contrairement aux plantes génétiquement modifiées classiques, les différents États membres ne peuvent pas restreindre ou interdire la culture ou les essais en champs sur leur territoire.

Les critères auxquels doivent répondre ces plantes pour être considérées comme NGT1 sont définis dans une annexe de la proposition législative. Une plante NGT est considérée comme équivalente aux plantes conventionnelles lorsqu'elle diffère de la plante réceptrice/parentale par un maximum de 20 modifications génétiques des types visés aux points 1 à 5 ci-dessous, dans toute séquence d'ADN partageant une similarité de séquence avec le site ciblé qui peut être prédite par des outils bio-informatiques :

  1. La substitution ou l'insertion de 20 nucléotides au maximum ;
  2. La suppression d'un nombre quelconque de nucléotides ;
  3. À condition que la modification génétique n'interrompe pas un gène endogène :
    1. L’insertion ciblée d'une séquence d'ADN contiguë existant dans le patrimoine génétique de l'obtenteur ;
    2. La substitution ciblée d'une séquence d'ADN endogène par une séquence d'ADN contiguë existant dans le patrimoine génétique de l'obtenteur ;
  4. L’inversion ciblée d'une séquence d'un nombre quelconque de nucléotides ;
  5. Toute autre modification ciblée de n'importe quelle taille, à condition que les séquences d'ADN qui en résultent existent déjà (éventuellement avec des modifications acceptées en vertu des points 1) et/ou 2)) dans une espèce du patrimoine génétique de l'obtenteur.

Contrairement à ce qui était le cas jusqu'à présent, les plantes NGT1 sont exemptées des obligations applicables aux OGM.

Si les plantes NGT1 doivent être mises sur le marché - en tant que semences pour la culture, en tant que denrées alimentaires ou aliments pour animaux, ou en tant que produits - une seule notification sera nécessaire. La Commission européenne et tous les États membres seront impliqués dans l'examen scientifique des critères. La Commission doit prendre une décision au plus tard dans les 30 jours.

Aucune obligation d'étiquetage n’est prévue pour les denrées alimentaires et les aliments pour animaux issus de plantes NGT1. Toutefois, les semences ou le matériel reproductible doivent être clairement déclarés. Sur la base de ces informations, les agriculteurs peuvent décider s'ils veulent ou non cultiver de telles plantes. Dans l'agriculture biologique, les plantes NGT1 ne seront pas autorisées, conformément à la demande des associations du secteur de l’agriculture biologique.

Plantes NGT de catégorie 2

Cette catégorie s'applique aux plantes NGT qui ne remplissent pas les critères permettant de considérer qu'elles pourraient également être obtenues naturellement ou par sélection conventionnelle et qui, par conséquent, ne relèvent pas de la procédure relative aux plantes NGT de la catégorie 1.

Pour pouvoir être disséminés dans l'environnement ou mis sur le marché, les plantes et produits NGT de catégorie 2 doivent faire l'objet d'un consentement ou d'une autorisation conformément à la directive 2001/18/CE ou au règlement (CE) n° 1829/2003. Toutefois, compte tenu de la grande diversité de ces plantes NGT, la quantité d'informations nécessaires à l'évaluation des risques variera au cas par cas.

Dans ce cas, les procédures de la législation sur les OGM peuvent être simplifiées et s'appliquent avec quelques adaptations de :

  • La partie B de la directive 2001/18/CE pour la dissémination volontaire à des fins autres que la mise sur le marché;
  • La partie C de la directive 2001/18/CE pour la mise sur le marché de produits autres que les denrées alimentaires et les aliments pour animaux ;
  • La procédure du règlement (CE) n° 1829/2003 pour la mise sur le marché de denrées alimentaires et d'aliments pour animaux génétiquement modifiés.

Les principales adaptations sont une évaluation des risques fondée et en particulier les modalités de conformité aux exigences relatives aux méthodes de détection dans les cas où il n'est pas possible de fournir une méthode qui détecte, identifie et quantifie, ainsi que la possibilité d'adapter au profil de risque les exigences en matière de surveillance et la nécessité d'un renouvellement régulier.

Des incitations réglementaires s'appliquent aux plantes de la catégorie 2 NGT contenant des caractères susceptibles de contribuer à un système agroalimentaire durable et à condition qu'elles ne contiennent pas de tolérance aux herbicides. Parmi ces caractères on peut citer :

  1. Le rendement, y compris la stabilité du rendement et le rendement dans des conditions de faible utilisation d'intrants;
  2. La tolérance/résistance aux stress biotiques, y compris les maladies végétales causées par des nématodes, des champignons, des bactéries, des virus et d'autres parasites;
  3. Tolérance/résistance aux stress abiotiques, y compris ceux créés ou exacerbés par le changement climatique;
  4. Une utilisation plus efficace des ressources, telles que l'eau et les nutriments;
  5. Des caractéristiques qui améliorent la durabilité du stockage, de la transformation et de la distribution;
  6. Une meilleure qualité ou des caractéristiques nutritionnelles améliorées ;
  7. Une réduction des besoins en intrants externes, tels que les produits phytopharmaceutiques et les engrais.

Les plantes et produits NGT de la catégorie 2 restent soumis aux exigences de traçabilité et d'étiquetage de la législation relative aux OGM, avec la possibilité d'ajouter une déclaration factuelle sur l'objectif visé par la modification génétique.

Afin de permettre aux plantes NGT de contribuer aux objectifs de durabilité du « Green Deal » et des stratégies "de la ferme à la table" et "biodiversité", il convient de faciliter la culture des plantes NGT dans l'Union. Pour ce faire, les obtenteurs et les agriculteurs doivent pouvoir prévoir la possibilité de cultiver ces plantes dans l'Union. Par conséquent, la possibilité pour les États membres d'adopter des mesures restreignant ou interdisant la culture de végétaux NGT de catégorie 2 sur tout ou une partie de leur territoire, prévue à l'article 26 ter de la directive 2001/18/CE, irait à l'encontre de ces objectifs.

Les règles spéciales établies concernant la procédure d'autorisation pour les plantes NGT de catégorie 2 devraient entraîner une augmentation de la culture de ces plantes dans l'Union par rapport à la situation qui prévaut actuellement. Les autorités compétentes des États membres doivent déterminer les mesures de coexistence pour équilibrer les intérêts des producteurs de plantes conventionnelles, biologiques et génétiquement modifiées et permettre ainsi aux producteurs de choisir entre différents types de production, conformément à l'objectif de la stratégie "de la ferme à la table", qui prévoit que 25 % des terres agricoles seront consacrées à l'agriculture biologique d'ici à 2030.

Références

1.  Cour de justice de l'Union européenne (2018) Affaire C-528/16 Arrêt de la Cour (grande chambre) du 25 juillet 2018 Confédération paysanne e.a. contre Premier ministre et Ministre de l’Agriculture, de l’Agroalimentaire et de la Forêt.

2. Parlement Européen et le Conseil de l'Union Européenne (2003) Règlement (CE) N° 1829/2003 du Parlement Européen et du Conseil du 22 septembre 2003 concernant les denrées alimentaires et les aliments pour animaux génétiquement modifiés.

3. Parlement Européen et le Conseil de l'Union Européenne (2001) Directive 2001/18/CE du Parlement Européen et du Conseil du 12 mars 2001 relative à la dissémination volontaire d'organismes génétiquement modifiés dans l'environnement et abrogeant la directive 90/220/CEE du Conseil.

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