Fuite des gènes qui produisent des produits chimiques spécialisés
Le « biopharming » constitue un moyen peu coûteux de produire de grandes quantités de certaines protéines dans des plantes, telles que l'insuline pour le diabète ou les anticorps pour traiter le cancer (1). La technologie peut également être utilisée pour fabriquer des vaccins qui peuvent être consommés plutôt que d'être injectés. La production de médicaments ou d'intermédiaires de médicaments dans des espèces destinées à la consommation humaine ou animale comporte le risque potentiel que des substances pharmaceutiques pénètrent dans la chaîne alimentaire par le biais de mélanges, de flux de gènes transmis par le pollen (chez le maïs, au moins) ou d'un autre mélange accidentel (2).
La "contamination" du soja et du maïs non génétiquement modifié en 2002 avec un maïs GM pour produire un vaccin expérimental pour le cochon montre à quel point cela est plausible (3).
En effet, le pollen du maïs GM a pollinisé des cultures avoisinantes, ce qui a conduit à une ordonnance du gouvernement américain demandant l'incinération de 63 ha de maïs poussant à proximité du site expérimental. Dans une autre région, des semences GM issues de l’expérience de l’année précédente ont germé et ont poussé dans un champ de soja contaminant ainsi la récolte.
Le simple transport de graines GM peut mener à l’établissement de populations GM
L’une des préoccupations liées à l’importation (à des fins d’utilisation ou de transformation des denrées alimentaires et des aliments pour animaux) de colza génétiquement modifié tolérant aux herbicides réside dans le fait que le caractère de tolérance aux herbicides s'échappera dans les habitats agricoles ou semi-naturels, causant des problèmes environnementaux ou économiques (4). Le seul fait de transporter des graines GM peut provoquer des fuites et résulter à l’établissement de populations GM (5).
Malgré l'interdiction de la culture et de l'importation de graines de colza génétiquement modifié, des plantes GM sauvages poussaient le long des voies ferrées et dans les zones portuaires de quatre sites suisses en 2011 et 2012 (6, 7). Des incidents de ce genre ont également été documentés en Allemagne (8), au Japon (9) et aux Etats-Unis (10).
Contamination de cultures non GM
Parmi les nouveaux caractères que la biotechnologie a rendus disponibles, la résistance aux insectes dérivés de Bacillus thuringiensis (Bt) est largement exploité. Le cas du maïs « Starlink », modifié avec un gène qui code pour la protéine Cry9c, avait suscité une grande polémique dans les années 2000. Son utilisation a été limitée par les autorités américaines à l’alimentation animale en raison de préoccupations liées au potentiel d’allergénicité de la protéine nouvellement exprimée. Cependant, le maïs « Starlink » a par la suite été trouvé dans l’ensemble de la chaîne alimentaire humaine, ce qui a entraîné des rappels (11).
Cet exemple illustre à quel point les OGM peuvent facilement devenir incontrôlables, même lorsque l'on tente de maintenir la ségrégation. Cette variété particulière de maïs génétiquement modifié a été autorisée exclusivement pour l’alimentation animale avant de déterminer si elle convenait également à la consommation humaine. Néanmoins, ce maïs est rapidement entré dans l’offre générale de grains de maïs des États-Unis, en une année à peine. Près d’un dixième des 110 000 analyses de grains effectuées par des inspecteurs fédéraux américains ont été testées positives pour cette variété (3).
Références
- Jamal A, et al. (2009) Role of genetic factors and environmental conditions in recombinant protein production for molecular farming. Biotechnol Adv 27(6):914-923.
- Editorial (2004) Drugs in crops—the unpalatable truth. Nature Biotechnology 22:133.
- Ellstrand NC (2003) Going to "great lengths" to prevent the escape of genes that produce specialty chemicals. Plant physiology 132(4):1770-1774.
- Devos Y, Hails RS, Messean A, Perry JN, & Squire GR (2012) Feral genetically modified herbicide tolerant oilseed rape from seed import spills: are concerns scientifically justified? Transgenic Res 21(1):1-21.
- Ellstrand NC (2018) “Born to Run”? Not Necessarily: Species and Trait Bias in Persistent Free-Living Transgenic Plants. 6(88).
- Hecht M, Oehen B, Schulze J, Brodmann P, & Bagutti C (2014) Detection of feral GT73 transgenic oilseed rape (Brassica napus) along railway lines on entry routes to oilseed factories in Switzerland. Environ Sci Pollut Res Int 21(2):1455-1465.
- 7.Schulze J, Frauenknecht T, Brodmann P, & Bagutti C (2014) Unexpected diversity of feral genetically modified oilseed rape (Brassica napus L.) despite a cultivation and import ban in Switzerland. PLoS One 9(12):e114477.
- Franzaring J, et al. (2016) Exploratory study on the presence of GM oilseed rape near German oil mills. Environ Sci Pollut Res Int 23(22):23300-23307.
- Kawata M, Murakami K, & Ishikawa T (2009) Dispersal and persistence of genetically modified oilseed rape around Japanese harbors. Environ Sci Pollut Res Int 16(2):120-126.
- Greene SL, Kesoju SR, Martin RC, & Kramer M (2015) Occurrence of Transgenic Feral Alfalfa (Medicago sativa subsp. sativa L.) in Alfalfa Seed Production Areas in the United States. PLoS One 10(12):e0143296.
- Bucchini L & Goldman LR (2002) Starlink corn: a risk analysis. Environmental health perspectives 110(1):5-13.