La biotechnologie rouge réunit tous les usages de la biotechnologie dans le domaine de la santé, et en particulier l’industrie pharmaceutique dont une grande partie de la recherche actuelle repose sur les biotechnologies. Elle comprend la production de vaccins et d'antibiotiques, le développement de nouveaux médicaments, de techniques de diagnostic moléculaire, les thérapies régénératives et le développement du génie génétique pour guérir les maladies par la manipulation génétique.
Ainsi, en Suisse par exemple, plus de 500 médicaments avec un principe actif produit par génie génétique sont autorisés (1). Contrairement aux substances actives chimiques classiques, les substances actives obtenues par des méthodes biotechnologiques dans des organismes génétiquement modifiés sont en général des macromolécules et de grandes protéines complexes.
L’insuline
La découverte de l'insuline en 1922 a marqué une percée majeure dans la médecine et a été récompensée par le prix Nobel de physiologie et médecine en 1923. Pendant des années, les tentatives de préparation d'extraits pancréatiques pour abaisser la glycémie ont échoué en raison d’impuretés et de toxicités des extraits. Jusqu'aux années 1980, l'insuline animale, dérivée de vaches et de porcs, était le premier type d'insuline à être administré aux humains pour contrôler le diabète. Cependant, cette insuline provoquait des réactions allergiques chez de nombreux patients (2).
En 1978, David Goeddel et ses collègues ont préparé la première insuline synthétique « humaine » en exprimant les gènes codant pour les chaînes A et B de l'insuline dans la bactérie Escherichia coli (3). L'insuline est donc devenue la première protéine humaine produite par des organismes génétiquement modifiés. En 1982, cette insuline humaine a fait son entrée sur le marché européen et a été vendue sous le nom de marque Humulin®.
La virothérapie oncolytique - Des virus génétiquement modifiés pour combattre le cancer
La virothérapie oncolytique est l'une des méthodes novatrices en cours de développement pour cibler les tumeurs réfractaires aux traitements chirurgicaux et radio/chimio-thérapeutiques conventionnels. Alors que la possibilité d'utiliser des virus pour lutter contre le cancer a été mise en avant au début du XXe siècle, le domaine a connu un renouveau remarquable au cours des trois dernières décennies, parallèlement au développement de la virologie moléculaire et du génie génétique. Contrairement à la thérapie génique où un virus est utilisé comme simple support pour l'administration de transgène, la thérapie par le virus oncolytique utilise le virus lui-même comme réactif médicamenteux actif (4).
Le terme "virus oncolytique" désigne des virus vivants, rendus non pathogènes, qui peuvent infecter et tuer des cellules malignes sans causer de dommage aux tissus sains. La plupart des cellules cancéreuses ne stimulent que très peu le système immunitaire et peuvent donc se développer sans résistance significative. Cette approche oncolytique est actuellement testée dans le traitement de différents cancers et la recherche dans ce domaine avance à grands pas, y compris au Luxembourg.
Des poules transgéniques comme bioréacteurs produisant des médicaments
Le potentiel d'utilisation d'animaux transgéniques pour la synthèse de protéines thérapeutiques a été suggéré il y a plus de vingt ans. Des progrès considérables ont été réalisés dans le développement de méthodes de production d'animaux transgéniques et plus particulièrement dans l'expression de protéines thérapeutiques dans les glandes mammaires des vaches, des moutons et des chèvres.
Cependant la poule est une candidate prometteuse en tant que bioréacteur pour la production de protéines thérapeutiques humaines (5). La protéine lipase acide, est actuellement purifiée des œufs de poules et vendue sous le nom de Kanuma®. Ce médicament, mis au point par une firme américaine a été approuvé pour être commercialisé en 2015 par la FDA (« Food and Drug administration ») aux Etats-Unis (6) et par l’EMA (« European Medicines Agency ») pour le marché européen (7).
Ce médicament intervient dans le traitement de la maladie de Wolman qui est une maladie lysosomale sévère du jeune enfant. Ce déficit enzymatique a comme conséquence l'accumulation de lipides neutres, en particulier des esters de cholestérol dans les cellules et stimule donc la synthèse endogène de cholestérol. Cette maladie héréditaire est due à une mutation dominante du gène LIPA codant pour la lipase acide lysosomale.
Des endotoxines bactériennes comme antihelminthique
Les maladies parasitaires intestinales des nématodes sont l'une des grandes maladies de notre temps et infectent plus d'un milliard de personnes et provoquent une morbidité importante, en particulier chez les enfants et les femmes enceintes. À ce jour, il n'existe qu'un seul médicament, l'albendazole, dont l'efficacité contre ces parasites est suffisante, bien que la tribendimidine (8) puisse émerger en tant que deuxième médicament. Compte tenu des centaines de millions de personnes à traiter, de la menace de résistance aux parasites et de l'inadéquation des traitements actuels, de nouveaux antihelminthiques sont nécessaires de toute urgence. Les protéines cristallines (Cry) de Bacillus thuringiensis sont les insecticides biologiquement les plus utilisés dans le monde et sont considérées comme non toxiques pour les vertébrés. Les protéines Bt Cry telles que Cry5B ont d'excellentes propriétés anthelminthiques in vivo et une bonne formulation de la protéine est susceptible de révéler un anthelminthique supérieur (9, 10).
La protéine Cry5B et une version modifiée (tCry5B) sont létales pour les nématodes. Les gènes codant pour ces deux protéines ont été exprimés séparément dans la bactérie Lactococcus lactis en vue d’une administration orale potentielle contre des infections par des nématodes parasites. Lactococcus lactis a déjà été utilisée pour exprimer une variété de vaccins et d’agents bio-thérapeutiques (11) et ne colonise pas les voies digestives des mammifères (12). Les protéines Cry5B actives peuvent être exprimées de manière intracellulaire et libérées de manière extracellulaire par L. lactis, montrant un potentiel pour une utilisation future comme anthelminthique qui pourrait être administré par voie orale dans un microbe de qualité alimentaire (13).
Références
- swissmedic, Médicaments à usage humain autorisés renfermant des principes actifs produits par génie génétique, 1.3. Génie génétique et médicaments, Listes et tableaux (swissmedic.ch)
- Quianzon CC & Cheikh I (2012) History of insulin. J Community Hosp Intern Med Perspect 2(2).
- Goeddel DV, et al. (1979) Expression in Escherichia coli of chemically synthesized genes for human insulin. Proc Natl Acad Sci U S A 76(1):106-110.
- Fukuhara H, Ino Y, & Todo T (2016) Oncolytic virus therapy: A new era of cancer treatment at dawn. Cancer Sci 107(10):1373-1379.
- Wakchaure R, Ganguly S, & Praveen PK (2015) Transgenic Chicken and its Usefulness in Medical Microbiology and Immunology: A Review. Annals of Pharma Research 3(03):97-99.
- Sheridan C (2016) FDA approves 'farmaceutical' drug from transgenic chickens. Nat Biotechnol 34(2):117-119.
- European Medecines Agency (EMA), Kanuma, https://www.ema.europa.eu/medicines/human/EPAR/kanuma, accessed: Octobre 2018
- Robertson AP, Puttachary S, Buxton SK, & Martin RJ (2015) Tribendimidine: mode of action and nAChR subtype selectivity in Ascaris and Oesophagostomum. PLoS Negl Trop Dis 9(2):e0003495.
- Hu Y, Georghiou SB, Kelleher AJ, & Aroian RV (2010) Bacillus thuringiensis Cry5B protein is highly efficacious as a single-dose therapy against an intestinal roundworm infection in mice. PLoS Negl Trop Dis 4(3):e614.
- Yan Hu & Aroian RV (2012) Promise of Bacillus thuringiensis Crystal Proteins as Anthelmintics. Parasitic Helminths: Targets, Screens, Drugs and Vaccines, ed Conor R. Caffrey (Wiley-VCH Verlag GmbH & Co. KGaA,).
- Wyszynska A, Kobierecka P, Bardowski J, & Jagusztyn-Krynicka EK (2015) Lactic acid bacteria--20 years exploring their potential as live vectors for mucosal vaccination. Appl Microbiol Biotechnol 99(7):2967-2977.
- Daniel C, Poiret S, Dennin V, Boutillier D, & Pot B (2013) Bioluminescence imaging study of spatial and temporal persistence of Lactobacillus plantarum and Lactococcus lactis in living mice. Appl Environ Microbiol 79(4):1086-1094.
- Durmaz E, Hu Y, Aroian RV, & Klaenhammer TR (2016) Intracellular and Extracellular Expression of Bacillus thuringiensis Crystal Protein Cry5B in Lactococcus lactis for Use as an Anthelminthic. Appl Environ Microbiol 82(4):1286-1294.