Les biotechnologies grises

Les biotechnologies grises : applications à l’environnement

Les applications concernent surtout la protection de l’environnement et le diagnostic environnemental. Il s’agit de la décontamination des sols, l’épuration et l’assainissement des eaux résiduelles, le maintien de la qualité de l’air, le recyclage de produits vivants comme inertes et l’élimination de métaux lourds et d’hydrocarbures.

Dégradation des hydrocarbures aromatiques polycycliques

Les hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP) sont des contaminants environnementaux omniprésents qui sont libérés lors de la combustion incomplète, de la manutention ou de l'élimination des matières organiques, notamment du goudron, du pétrole brut et des produits pétroliers. La dépollution des sites contaminés est une préoccupation majeure, en raison de l’impact de cette pollution sur l’environnement et la santé, liée notamment à la propagation des molécules dangereuses dans le milieu et leur transfert dans les nappes phréatiques et dans la chaîne alimentaire. L’IARC (« International Agency for Research on Cancer ») a publié un recueil évaluant les propriétés carcinogènes des HAP (1). La réhabilitation des sols pollués exige souvent l’excavation des sols et le transport onéreux des terres vers les installations de dépollution engendrant ainsi des coûts exorbitants.

 

Un certain nombre d'organismes capables d'utiliser les HAP comme unique source de carbone et d'énergie ont été isolés auparavant, et des stratégies de bio-remédiation utilisant ces organismes ont été proposées (2). Ces organismes vivants agissent sur le composé polluant par absorption, accumulation, digestion, transformation, dégradation, etc., pour le rendre moins toxique, l’extraire, l’immobiliser ou le diluer considérablement.

Dégradation du bisphénol A

Le bisphénol A (BPA) est une substance chimique utilisée depuis plus de 50 ans dans un grand nombre d’applications industrielles. Le BPA est présent dans les plastiques alimentaires (gourdes en plastique, boîtes de conserves, canettes, etc) ou non alimentaires (DVD, CD, verres de lunettes, papiers thermiques, etc). La principale source d’exposition au BPA est son ingestion, du fait de la migration du BPA de contenants en polycarbonate ou résines époxydes vers leurs contenus alimentaires. La dose à laquelle l’homme est exposé est estimée inférieure à la dose journalière acceptable fixée par l’EFSA de 0,05 mg/Kg/j (3).

 

L'utilisation quotidienne et mondiale des produits contenant du BPA a conduit à sa distribution omniprésente dans l'eau, les sédiments/sol et l'atmosphère. De plus, le BPA a été identifié comme un perturbateur endocrinien environnemental pour son activité eostrogénique et génotoxique. Bien que de nombreux facteurs affectent le devenir du BPA dans l'environnement, la dégradation du BPA dépend principalement du métabolisme des bactéries. De nombreuses bactéries dégradant le BPA ont été identifiées dans les stations de traitement des eaux usées, des sédiments et du sol (4). Une souche de la bactérie Enterobacter gergoviae BYK-7 génétiquement modifiée permet de dégrader plus de BPA que les souches naturellement isolées à partir de ces sources. Ces résultats font de la souche un organisme très prometteur pour l'élimination du BPA dans les eaux usées industrielles (5). L’utilisation de bactéries génétiquement modifiées pour le traitement des eaux usées a déjà été discutée en 1991 (6).

Les bio-rapporteurs

Il existe deux approches générales pour surveiller les produits chimiques dans l'environnement. L'approche traditionnelle, basée sur l'analyse chimique ou physique, permet une détermination très précise et sensible de la composition exacte de tout échantillon. Cependant ces méthodes ne fournissent pas de données sur la biodisponibilité des polluants, leurs effets sur les systèmes vivants et leur comportement synergique ou antagoniste dans les mélanges.

 

De ce fait, des microorganismes génétiquement modifiés, « adaptés » pour répondre de façon spécifique à la présence de polluants dans l’environnement sont utilisés. Les microorganismes rapporteurs incluent les bactéries, les levures, les champignons mais également les poissons et les amphibiens et permettent ainsi de détecter des polluants environnementaux très variés (7).

Références
  1. International Agency for Research on Cancer (IARC) 2010 Some Non-heterocyclic Polycyclic Aromatic Hydrocarbons and Some Related Exposures. IARC Monographs on the Evaluation of Carcinogenic Risks to Humans,.  https://monographs.iarc.fr/iarc-monographs-on-the-evaluation-of-carcinogenic-risks-to-humans-29/.
  2. Schuler L, et al. (2008) Characterization of a novel angular dioxygenase from fluorene-degrading Sphingomonas sp. strain LB126. Appl Environ Microbiol 74(4):1050-1057.
  3. EFSA Panel on Food Contact Materials E, Flavourings & Aids P (2015) Scientific Opinion on the risks to public health related to the presence of bisphenol A (BPA) in foodstuffs. 13(1):3978.
  4. Zhang W, Yin K, & Chen L (2013) Bacteria-mediated bisphenol A degradation. Appl Microbiol Biotechnol 97(13):5681-5689.
  5. Badiefar L, et al. (2015) Biodegradation of bisphenol A by the newly-isolated Enterobacter gergoviae strain BYK-7 enhanced using genetic manipulation. RSC Advances.
  6. Fujita M, Ike M, & Hashimoto S (1991) Feasibility of wastewater treatment using genetically engineered microorganisms. Wat. Res. 25(8):979-984.
  7. Belkin S (2003) Microbial whole-cell sensing systems of environmental pollutants. Current Opinion in Microbiology 6(3):206-212.

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